biophysique
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Bacillus subtilis, cette bactérie qui libère les gouttes d'eau

La migration collective de cellules et de micro-organismes est un phénomène complexe à la croisée de la biologie, de la chimie et de la physique, avec des implications dans des domaines variés, du bio-médical à l'agro-alimentaire. Une question clef est de comprendre comment une organisation collective permet à un ensemble d'individus de surmonter des contraintes qui empêcheraient un individu isolé de coloniser de nouveaux environnements.


Marc Hennes, Julien Tailleur, Gaëlle Charron et Adrian Daerr du laboratoire Matière et Systèmes Complexes (UMR université Paris Diderot, CNRS) ont découvert et analysé un mode original de migration de Bacillus subtilis. Cette bactérie parvient en effet à dépiéger des gouttes d'eau à la surface d'un gel, induisant ainsi le glissement collectif de toute la colonie, sur des pentes de quelques dixièmes de degrés seulement. Ceci est particulièrement surprenant puisque des gouttes d'eau de même taille, en l'absence de bactéries, restent piégées par capillarité, même sur des surfaces verticales.

Pour mettre en mouvement les gouttes d'eau dans lesquelles elles nagent, les bactéries doivent ainsi surmonter des forces capillaires qui sont largement supérieures à celles que les bactéries exercent en nageant. Ceci est rendu possible par la production d'un surfactant, la surfactine, qui va jouer sur de multiples leviers. Premièrement, un pompage osmotique va entraîner un gonflement de la goutte et donc une augmentation de son poids. Ensuite, le surfactant abaisse directement les forces capillaires qui piègent la goutte et augmente la mouillabilité du substrat. Au-delà d'un seuil critique, les gouttes se mettent en mouvement, entraînant avec elles la suspension de bactéries, et facilitent leur dispersion dans l'environnement.

Ce mécanisme de migration collective de colonies bactériennes pourrait être pertinent dans de nombreux milieux. Par exemple, il pourrait faciliter la dispersion de bactéries dans des chambres froides en favorisant le glissement des gouttes de condensation le long des parois. Ensuite, il pourrait jouer un rôle important dans l'organisation spatiale des écosystèmes des sols, qui sont souvent constitués de milieux poreux dans lesquels les forces capillaires peuvent limiter la dispersion des micro-organismes.

Active depinning of bacterial droplets : the collective surfing of Bacillus subtilis, publié le 23 mai 2017 dans PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences)
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Vue de dessus du glissement d'une colonie. (gauche) Une goutte de 2µl contenant environ 200000 bactéries de l'espèce B. subtilis est toujours immobile, une heure après avoir été déposée sur un gel incliné de 1 degré. (milieu) Kymographe représentant l'évolution d'une coupe à travers la goutte (ligne verticale) au cours du temps (de gauche à droite). Le glissement débute environ 7 heures après inoculation.  (droite) À t=9h, la goutte glisse vers l'aval à environ 2 cm/h. 

(c) Marc Hennes

Laboratoire

Matière et Systèmes Complexes

Le laboratoire « Matière et Systèmes Complexes » (MSC) est une unité mixte de recherche du CNRS et de l’université (UMR 7057).