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Épidémies infectieuses émergentes : «L’Afrique réunit plusieurs facteurs de risque»

Pour le Professeur Catherine Leport, spécialiste des maladies infectieuses émergentes (MIE) au laboratoire IAME (UMRS Inserm, université Paris Diderot et université Paris 13), l’Afrique est un terreau propice au développement des épidémies.

Pourquoi l’Afrique est-elle davantage concernée par les épidémies que d’autres continents ?

Le continent fait partie des “hotspots”, des points chauds à risque de maladie infectieuses émergentes car il réunit plusieurs facteurs de risque. D’abord, les pays africains touchés ont des problèmes structurels, ce sont souvent des États sortant de conflits récents, qui ne disposent pas de systèmes de santé capables de faire face à une épidémie. Dans le cas d’Ebola, la mobilisation internationale qui aurait pu pallier ces manques a été tardive. Or une épidémie est comme un feu de forêt, si on ne l’éteint pas dès la première broussaille, elle devient difficile à contrôler. Enfin, ce sont des régions où les contacts sont étroits entre les hommes, les animaux sauvages et domestiques. Cette proximité augmente le risque de transmission d’un agent infectieux d’un réservoir animal à l’homme.

Que faudrait-il changer pour mieux faire face aux crises sanitaires ?

Il faut en priorité consolider les systèmes de santé et développer la recherche, mais cela coûte cher. Tous les acteurs doivent être formés : les soignants et les épidémiologistes, pour détecter de nouvelles épidémies et en comprendre la transmission ; les gestionnaires et décideurs, pour mettre en place les mesures de lutte adaptée. La connaissance permet la prévention. Une alerte d’Ebola a été signalée il y a quelques jours en République démocratique du Congo, on a immédiatement envoyé des masques et des tenues de protection pour les personnels soignants. Dans le cas d’Ebola, alors qu’il n’y avait pas d’antiviral disponible, le traitement de la fièvre, de la diarrhée et de la déshydratation, avec notamment des perfusions, a permis de réduire la mortalité de près de 80 à 20 % !

Comment inclure les populations pour mieux combattre une épidémie ?

Il peut exister un décalage entre les progrès techniques, qui sont facilement transférables moyennant support financier, et les dimensions sociales, psychologiques et éthiques de la lutte contre les maladies infectieuses émergentes, qui évoluent plus lentement. En Afrique de l’Ouest, l’un des facteurs de propagation d’Ebola est le rite funéraire. Il est très compliqué de changer des pratiques aussi symboliques. Aujourd’hui, on associe des sociologues et des anthropologues sur le terrain dans la réponse aux épidémies, pour permettre aux populations d’accepter des mesures de protection parfois contraignantes et pouvant heurter leurs traditions. Informer les populations sans les affoler, c’est un équilibre subtil.

 

Laboratoire

Infection, anti-microbien, modélisation, évolution

Le laboratoire IAME pour "Infection, Antimicrobiens, Modélisation, Evolution", est une alliance entre la recherche clinique et la recherche basée sur la population et vers le progrès médical dans la lutte contre les maladies infectieuses.