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Les gaz à effet de serre, ça se recycle !

On connaît l’impact désastreux d’un excès de gaz à effet de serre sur le réchauffement climatique. Or la chimie pourrait contribuer à réduire la quantité de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère : avec son équipe, le professeur Marc Robert étudie l’activation catalytique des petites molécules, notamment pour transformer le CO2 en monoxyde de carbone.

Comment combattre l’ennemi climatique n°1 ? Réduire les émissions à la source de façon massive, évidemment. Les séquestrer sous terre ? Discutable, et loin d’être abouti. Et si on les recyclait, avec l’objectif de les valoriser dans un processus d’économie circulaire ? De déchet encombrant, le CO2 deviendrait une matière première exploitable.

Cette séduisante idée est née à la fin des années 1980, puis tombée dans l’oubli, pour revenir vingt ans plus tard sur les paillasses des chercheurs… parmi lesquelles celles de Marc Robert et son équipe. Le laboratoire d’électrochimie moléculaire (UMR CNRS-université Paris Diderot) s’est ainsi lancé en 2010 sur une piste très prometteuse : utiliser l’électrochimie pour réduire le CO2 en CO, ou monoxyde de carbone, un gaz aux nombreuses applications et au marché considérable (voir encadré).

Des électrons briseurs de liaisons

L’électrochimie, c’est l’utilisation d’un courant électrique pour casser les liaisons entre les atomes d’une molécule et produire ainsi d’autres molécules. Appliquée au CO2, il s’agit de rompre une des doubles liaisons – extrêmement solides – carbone-oxygène. Cette réaction nécessite habituellement l’emploi de métaux précieux et d’une grande quantité d’énergie. Des obstacles que le laboratoire a réussi à lever grâce à un catalyseur moléculaire à base de fer, une trouvaille qui fait aujourd’hui sa réputation dans le monde entier.

« Notre catalyseur est une molécule comprenant un squelette organique à base d’azote, de carbone, d’hydrogène et d’un atome de fer, explique Marc Robert. Nous l’introduisons en très petite quantité dans une solution aqueuse saturée en CO2 dans laquelle baigne une électrode de carbone ». Et la “magie” opère…

Un développement industriel d’ici dix ans

Une fois réduit avec un peu d’électricité, le fer interagit avec l’atome de carbone du CO2, ce qui affaiblit les deux liaisons avec les atomes d’oxygène. Un léger courant électrique supplémentaire se charge de terminer le travail, le CO est libéré. Très peu soluble, il est facilement récupérable. Le résidu de la réaction est plutôt inoffensif : H2O ! Ajoutez à cela un courant électrique fourni par des panneaux solaires et l’on obtient un système hautement développement durable.

« L’abondance du fer et l’utilisation du soleil comme source d’énergie renforcent encore le potentiel de cette stratégie pour stocker une énergie renouvelable, en utilisant le CO2 comme matière première », estime le chercheur. Aidée par un partenariat avec Air Liquide(1), leader mondial de la production de CO, l’équipe affine à présent sa compréhension de la catalyse et travaille à la construction d’un pilote, avant d’imaginer un développement industriel d’ici dix ans. À l’échelle de la recherche, c’est demain.

(1) L’équipe est lauréate 2016 du prix international Essential Small Molecules Challenge, décerné par l’industriel.

Le CO est utilisé par les industriels pour la fabrication d’acide acétique, des polycarbonates ou des intermédiaires du polyuréthane. Enrichi en hydrogène, il est aussi à la base de l’industrie du méthanol, qui peut, par exemple, être employé dans des piles à combustible ou directement comme carburant.

Challenge Air Liquide : une équipe de Paris Diderot récompensée

L'équipe composée des professeurs Jean-Michel Savéant, Marc Robert et Cyrille Constentin, est l'une des trois lauréates de la première édition de ce challenge avec son projet CO2, rends ton O2.
Laboratoire

Laboratoire d'électrochimie moléculaire

Le thème central du laboratoire est l'étude de la réactivité chimique avec comme outil principal d'investigation l’électrochimie, et en particulier la voltamétrie cyclique.