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Comment rendre stable un anneau de fluide ?

Les anneaux de tourbillons, comme les anneaux de fumée, sont omniprésents dans la nature mais leur dynamique n'est pas encore bien comprise en partie à cause de leur nature transitoire. Une équipe du laboratoire Matière et Systèmes Complexes est parvenue à engendrer de façon stable un anneau (ou tore) de fluide en utilisant un métal liquide, ce qui leur permet d’étudier les fréquences auxquelles le tore de fluide réagit. Ces travaux viennent d’être publiés dans la revue américaine Physical Review Letters.

Les anneaux de bulles sous-marines produits par les plongeurs ou les dauphins, les anneaux de fumée, ou les anneaux sanguins dans le cœur humain sont des exemples bien connus d’anneaux de tourbillons. Depuis 1858, date de leur première analyse mathématique par von Helmholtz, leur formation, leur dynamique ou leur collision ont été largement étudiées. Il est en effet courant de pouvoir créer en laboratoire des anneaux de tourbillons éphémères en poussant un fluide hors d'un trou, en faisant impacter un disque solide dans un fluide au repos, ou encore lorsqu’une goutte tombe dans un autre liquide. Cependant, l'anneau liquide devient très rapidement instable et se fragmente en gouttelettes. Bien qu’il ait été démontré que la dynamique d'un anneau de tourbillons est dominée par des structures à grande échelle à sa périphérie, les mécanismes gouvernant leur apparition ne sont pas bien compris, reflétant dans une large mesure les difficultés expérimentales à produire un tore liquide stable dans des conditions bien contrôlées.

Les physiciens du laboratoire Matière et Systèmes Complexes, (CNRS/Université de Paris), en collaboration avec le laboratoire de Physique de l’École Normale Supérieure de Lyon, (CNRS /Université de Lyon), ont réussi à former un tore de fluide stable au cours du temps en utilisant une propriété avantageuse d'un métal liquide. En injectant du mercure (un liquide qui ne mouille pas les surfaces) à la périphérie d’un cylindre solide, un anneau stable de liquide se forme alors. Cette nouvelle technique leur permet ainsi d’effectuer les premières mesures des fréquences de résonance d'un tore de fluide soumis à des vibrations : l’anneau liquide voit des oscillations apparaître à sa périphérie extérieure, ces motifs en forme de lobes étant alors amplifiés à certaines fréquences dites de résonance. En utilisant une méthode de mesure optique très précise à l’aide d’un laser, les chercheurs observent jusqu'à 25 lobes présents à la périphérie de l’anneau lorsque la fréquence de la vibration augmente, et caractérisent les domaines d’instabilité correspondants. Leurs résultats sont alors interprétés avec succès en adaptant à un tore de fluide le modèle habituel de Lord Rayleigh donnant les fréquences propres d’une goutte liquide (1879). Les propriétés géométriques de la section du tore peuvent être aussi déduites indirectement de leurs mesures.

 

Au-delà de cette avancée en mécanique des fluides, cette approche pourrait s'appliquer à la modélisation des structures à grande échelle apparaissant de façon transitoire dans des anneaux de tourbillon dans divers domaines tels que la physique des plasmas, la biophysique ou la géophysique. L’expérience est en effet aisément modifiable pour ôter le confinement interne solide et pour imposer au fluide un écoulement de rotation entre les pôles de l’anneau, en appliquant simplement une force électromagnétique au métal liquide. Cette configuration devrait pouvoir alors révéler plus précisément l'origine de ces structures transitoires à grande échelle des anneaux de tourbillons observées dans la nature.

 

Référence :

Claude Laroche, Jean-Claude Bacri, Timothée Jamin and Eric Falcon

Observation of the Resonance Frequencies of a Stable Torus of Fluid

Physical Review Letters 123, 094502 – Published 30 August 2019 – Editors’ Suggestion

 

DOI: https://doi.org/10.1103/PhysRevLett.123.094502

 

Contact chercheur : Eric Falcon (CNRS / Université Paris Diderot - MSC)

Laboratoire

Matière et Systèmes Complexes

Le laboratoire « Matière et Systèmes Complexes » (MSC) est une unité mixte de recherche du CNRS et de l’université (UMR 7057).