Biologie
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Comment les plantes résistent-elles au sel ?

Maître de conférences à Paris Diderot et chercheur au Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain (LIED), sa dernière publication porte sur les « Mécanismes cellulaires permettant à l’halophyte Cakile maritima de survivre au sel ». Au côté de Patrick Laurenti, chercheur animaliste, généticien et évolutionniste, il nous explique l'objet de ses travaux.

Qu’est-ce que les halophytes ?

Les halophytes sont des plantes vivant sur des terrains salés, souvent en bord de mer. Cette étude s’intéresse à leurs réponses face aux stress salins, comparées à celles des plantes non adaptées. Avec le réchauffement climatique, ces stress sont voués à devenir de plus en plus importants, alors que le sel est toxique pour la plupart des plantes. Etudier ces mécanismes présente alors un double intérêt : en recherche fondamentale et, à termes, appliquée puisque le sel s’accumule sur des terrains agricoles à cause de l’utilisation d’eaux plus ou moins salées.

« Les stress salins sont directement liés à l’augmentation de température engendrant une évaporation importante et donc, des sécheresses et des surconcentrations en sel. »

En quoi les plantes restent-elles encore méconnues ?

Les plantes semblent avoir des comportements plus complexes et actifs qu’on ne le pensait. Nous en avons une vision soit idéalisée, soit utilitariste. Or la complexité des plantes et leur diversité ne sont jamais pensées. Pour nos chercheurs, c’est une question culturelle.

« Noé n’a pas fait entrer de plantes sur son arche. Sauver la vie sur Terre signifie ainsi sauver les animaux. Il faut s’autoriser à penser autrement. » explique Patrick Laurenti.

L’intelligence des plantes demeure un sujet controversé au sein de la communauté scientifique. Pourtant, on peut renverser un certain nombre d’arguments qui sous-estiment la plante. Si l’on considère, par exemple, le fait de transmettre ses gênes comme un atout naturel, il devient légitime de se demander si c’est nous qui avons sélectionné la plante ou si c’est elle qui nous a sélectionné. D’un certain point de vue, on pourrait considérer que le blé nous a sélectionnés. Depuis qu’on le cultive, on observe des duplications des gènes de l’amylase permettant d’assimiler l’amidon plus efficacement. Ce changement d’alimentation a engendré une modification génétique chez les humains, et chez certains animaux domestiques, comme le chien, se différenciant du loup par la duplication de ce gène. 

« Quand on s’interroge sur la définition de l’intelligence, cela devient plus compliqué : un certain nombre de paradigmes peuvent être inversé. » insiste François Bouteau.

Quelle sensibilité pour les plantes ?

Cela paraît difficile à croire mais les plantes ont des sens ! La tactilité, évidente sur des plantes comme Mimosa pudica ayant des mouvements rapides lorsqu’elles sont touchées. Mais encore, l’ouïe, selon des données récentes : les plantes perçoivent certaines fréquences sonores et elles y répondent. Par exemple, elles font pousser leurs racines en direction des bruits d’écoulement d’eau. Elles perçoivent aussi la gravité, le pH, la lumière… L’ odorat, elles sont capables de capter énormément de molécules volatiles, qu’elles échangent entre elles. Nous avons des stratégies adaptatives et évolutives différentes, pourquoi une plante se priverait des signaux environnementaux ?

« Contrairement à nous ou aux animaux dont la stratégie de survie est de se déplacer, la plante n’a pas besoin d’organes dédiés pour percevoir son environnement, au contraire, elle possède un système de perception sur tout l’organisme. »

Que manque-t-il alors à la plante ?

Certainement pas la communication ! Il y a de vrais réseaux de communication entre les plantes, souterrains et aériens : les plantes peuvent secréter plus de cent-mille molécules différentes, des volatiles, agissant de manière intraspécifique ou interspécifique. Certaines plantes peuvent même interagir avec plusieurs animaux, secrétant la phéromone sexuelle du prédateur de la chenille la menaçant, afin que ce prédateur l’en débarrasse. Enfin, les mycorhizes, symbiose entre les champignons connectés aux racines des plantes, leur permettent d’échanger différentes molécules nutritionnelles entre autres.

Mais, l’humain n’est pas encore au bout de ses surprises, les végétaux ont également des capacités d’apprentissage et de mémorisation. Un mimosa pudica dont on aura fait chuter le pot de quelques centimètres plusieurs fois ne fermera plus ses feuilles : elle aura appris que cette chute ne lui est pas nuisible et peut s’en souvenir jusqu’à 28 jours.

François Bouteau conclut : « Nous avons besoin de rechercher des formes d’intelligence dans l’espace. Mais il est très difficile de nous poser un certain nombre de questions sur les aptitudes des plantes avec lesquelles nous avons co-évolués, ce qui montre que la recherche est une construction mentale et culturelle avant tout. »

Laboratoire

Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain

Le LIED a pour objectif fondateur de développer « l’écologie des énergies », en menant à la fois recherches scientifiques et techniques guidées par les problèmes à résoudre dans le cadre de la transition énergétique.

François Bouteau a été formé aux techniques d’électrophysiologie et de biologie cellulaire. Elles permettent de mesurer les courants ioniques et la polarisation des cellules chez les plantes. Avec ces techniques, on peut mesurer des réponses très rapides. Sa thèse portait sur la production du caoutchouc naturel et comment les systèmes de transport membranaires étaient impliqués dans la régénération du latex. Aujourd’hui, il coordonne l’équipe « Stress environnementaux des plantes » du laboratoire, et est co-responsable du master 2 interdisciplinaire « Espace et Milieux », formant des professionnels de l’environnement.