Communiqué
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Cassini Grand Finale : une plongée au cœur des aurores radio de Saturne

Un an après la fin de la mission Cassini, la moisson de données collectée lors du « Grand Finale » commence à livrer ses premiers résultats.

Dans une étude à paraître dans un numéro spécial de la revue Science le 5 octobre 2018, une équipe internationale menée par un astronome de l’Observatoire de Paris - PSL au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique - LESIA (Observatoire de Paris / CNRS / PSL / Sorbonne Université / Université Paris Diderot) a identifié et caractérisé in situ les régions d’émission du rayonnement radio auroral de Saturne.

Les planètes dotées d’un champ magnétique comme la Terre ou les planètes géantes génèrent des émissions lumineuses au voisinage de leurs pôles magnétiques : ce sont les aurores polaires. Elles sont produites par l’afflux de particules énergétiques, essentiellement des électrons, accélérés dans la magnétosphère - l’environnement planétaire magnétisé – via des mécanismes complexes, puis guidés vers la planète le long des lignes de champ magnétique de haute latitude. Lorsqu’ils précipitent dans l’atmosphère, ces électrons génèrent des émissions par collision, qui sont observées dans le domaine optique (visible, ultraviolet ou infrarouge).

Au-dessus de l’atmosphère, et jusqu’à quelques rayons planétaires de distance, ces mêmes électrons amplifient également des ondes dans le domaine radio. Ce rayonnement radio est très intense. Son étude in situ est essentielle pour comprendre comment il est émis et quelles informations apporte son observation à distance sur la magnétosphère. L’exploration des magnétosphères du Système solaire doit, de plus, établir la référence qui permettra d’interpréter les émissions radio en provenance d’exoplanètes, de naines brunes ou d’étoiles, dont la recherche bat son plein[1].

Lors du « Grand Finale », ultime phase de la mission Cassini, la sonde spatiale a exécuté des passages répétés à basse altitude au-dessus des pôles magnétiques, où le rayonnement radio auroral de Saturne prend naissance. En analysant les données in situ acquises par l’instrument radio[2] et le magnétomètre de la sonde, les auteurs de l’étude ont identifié les « sources » d’aurores radio lointaines, à environ 3 rayons planétaires (180 000 km) au-dessus de l’atmosphère. Ils ont pu ainsi caractériser les propriétés des ondes radio, de leur lieu d’émission et les confronter avec succès aux prédictions théoriques.

Résultat : le rayonnement radio auroral de Saturne est produit par le même mécanisme d’émission que celui identifié à la Terre et tout récemment à Jupiter[3] - une instabilité de plasma connue sous le nom d’Instabilité Maser Cyclotron - qui permet à des électrons, ici mesurés avec des énergies de quelques kilo-électronvolts, de céder une partie de leur énergie aux ondes radio lors de leur mouvement de giration autour des lignes de champ magnétique.

Cependant, ce mécanisme opère dans des conditions très différentes de celles rencontrées à la Terre. Les régions d’émission radio sont situées bien plus loin de Saturne et les électrons impliqués, mesurés localement, nécessitent d’avoir été préalablement accélérés vers la planète plus loin que la région d’émission, ce qui bouscule notre compréhension des processus d’accélération à l’œuvre dans la magnétosphère.

De plus, les sources radio ont été rencontrées sur des lignes de champ magnétique précisément connectées à des régions particulières des aurores ultraviolettes observées simultanément par le télescope spatial Hubble depuis l’orbite terrestre[1]. Les auteurs ont mis en évidence que cette association partielle entre sources radio lointaines et aurores ultraviolettes était imputable à une densité de plasma locale très variable, dont l’origine reste à identifier, parfois trop élevée pour que l’instabilité fonctionne.

Ces résultats confirment qu’un même mécanisme d’émission universel est capable de produire des ondes radio aurorales dans les environnements d’objets magnétisés très différents les uns des autres.

 

en Vidéo

Découvrir en animation sur la chaine Youtube de l’Observatoire de Paris – PSL : Les observations radio du rayonnement kilométrique de Saturne :

 

 

[1] https://www.obspm.fr/energetic-lightshow-at-saturn.html?lang=fr

[1] https://www.obs-nancay.fr/Un-nouvel-instrument-a-Nancay.html

[2] L’expérience Radio and Plasma Wave Science (RPWS) embarquée sur Cassini consiste en une série de récepteurs connectés à plusieurs senseurs dont trois antennes électriques de 10 m de long. Le récepteur haute fréquence, baptisé Kronos, a été construit en 1995 à l’Observatoire de Paris, au LESIA, avec le soutien du CNES. Il a fonctionné sans interruption pendant les vingt années de la mission Cassini, de 1997 à 2017. http://lesia.obspm.fr/-RPWS-HFR-sur-Cassini-.html

[3] https://www.obspm.fr/les-emissions-radio-de.html

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Laboratoire

Laboratoire d'Etudes Spatiales et d'Instrumentation en Astrophysique

Le LESIA, Laboratoire d’Etudes spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique, est l’un des cinq départements scientifiques de l’Observatoire de Paris. Unité mixte de recherche UMR 8109, le LESIA aussi un laboratoire du CNRS.