Evelyne Grossman, Éloge de l’hypersensible
Evelyne Grossman, professeure au Centre d’Études et de Recherche Interdisciplinaires en Lettres Arts Cinéma publie Éloge de l’hypersensible aux Éditions de Minuit.
Qu’est-ce qui nous affecte ? Assistons-nous à un retour du sensible ? Ces questions, l’hypersensible contemporain les repose dans l’art, la pensée, l’écriture. Il invite à réhabiliter ce qui, en chacun de nous, apparaît trop souvent comme une faiblesse à surmonter : la fragilité, la vulnérabilité. Qualités dites « féminines » ? Ce dont les hommes en tout cas devaient autrefois se garder, préservant leur impénétrabilité – ce tabou fondateur de toute différenciation.
L’hypersensibilité doit se concevoir comme un outil d’analyse, un instrument de connaissance fine au service d’un mode de pensée subtil, aussi fragile qu’endurant, permettant d’inventer d’autres modalités créatrices, étrangères à l’habituel partage sexué. Selon quelle autre logique que celle de l’éternelle division qui oppose la douceur réceptive des unes à la force de pénétration des autres ? Question que posèrent eux aussi Deleuze ou Barthes, mais également quelques femmes peu soucieuses d’incarner la force phallique du pouvoir intellectuel de l’époque, comme Marguerite Duras, laquelle joua crânement l’idiotie ou Louise Bourgeois, l’éternelle femme-enfant destructrice et moqueuse. Question laissée en suspens (c’est sa définition même que d’imaginer le suspens des oppositions) et qu’il faut donc inlassablement reprendre.