Voyager pour mieux revenir
Les voyages forment la jeunesse, dit-on. Et l’ethnologue, pourrait-on ajouter. Confessions de Pascal Dibie, professeur émérite d’ethnologie et vice-président à la culture de l’université Paris Diderot jusqu’en avril dernier.
L’ethnologue est-il un voyageur comme les autres ?
Pas tout à fait. Sa démarche s’inscrit toujours dans le temps long. L’ethnologue s’ancre sur un terrain et dans une communauté, y passe plusieurs mois, voire plusieurs années, y revient régulièrement. Il partage le quotidien des gens, recueille des données, tente de rendre compte d’une culture. Cela le distingue du touriste qui veut voir ce qui est déjà décrit ou fixé sur des images.
Quelle place les voyages occupent-ils dans votre œuvre ?
Une place essentielle ! Je suis un nomade. Le voyage est pour moi un déplacement entre une place fixe (mon village en Bourgogne, où je reviens toujours) et un ailleurs, le passage d’une culture à une autre. Et c’est lui qui m’a poussé à m’interroger sur la société dans laquelle je suis né. Lui qui m’a permis de mesurer la méconnaissance que j’avais de ma propre culture et de prendre conscience de ses exotismes. Tous mes ouvrages, que ce soit l’ethnologie de la chambre à coucher, l’ethnologie des prêtres ou, plus récemment, l’ethnologie des portes, découlent de ces va-et-vient entre différentes cultures.
Voyage-t-on de la même façon chez soi ou chez l’autre ?
Je porte toujours le même regard attentif sur ce qui m’entoure, que ce soit à l’étranger ou en France. Je consigne tout dans des carnets, chaque petit changement, même anodin, pouvant révéler des transformations structurelles de la société. En fait, je ne quitte jamais mes habits d’ethnologue, ce qui permet d’être en permanence curieux au monde, quel que soit l’endroit. Je me situe toujours dans un regard à la fois horizontal (la première vision que l’on peut avoir de l’autre) et vertical (vérifier dans la littérature scientifique que mes observations sont nouvelles ou non).