Raconte-moi la physique
Professeure des universités en didactique de la physique, Cécile de Hosson analyse les choix et les compromis d’adolescents soumis à un exercice de médiation scientifique.
Réaliser une planche de bande dessinée : c’est la seule consigne donnée à des collégiens et lycéens après l’exposé d’un doctorant sur les mathématiques, la biologie ou encore la physique. Conçus et animés par l’association Stimuli, ces ateliers BD-Sciences sont analysés dans le cadre du projet de recherche Sarabandes* depuis 2014. « L’objectif est de mieux comprendre les ressorts de l’enseignement et de l’apprentissage », résume Cécile de Hosson, professeure des universités en didactique de la physique à l’université Paris Diderot. Concrètement, les élèves doivent retranscrire un aspect de l’exposé tout en respectant des contraintes graphiques et narratives propres aux BD. Cette “règle du jeu” les pousse à faire des choix, à privilégier l’intégrité du savoir scientifique ou à s’en détacher pour raconter une histoire plus amusante par exemple.
Jeu dialectique
« Nous ne leur imposons pas de faire l’un plutôt que l’autre, détaille la chercheuse. Ce qui nous intéresse est précisément de voir comment ils s’en sortent et prennent ce type de décision. » En termes de recherche fondamentale, l’enjeu est notamment d’objectiver les processus de choix effectués en amont. « Lorsqu’un élève “pervertit le savoir” pour le bien-être de la BD, cela ne veut pas dire qu’il n’a rien compris ou appris de travers, insiste Cécile de Hosson. Ce qui est interprété comme une erreur est le résultat d’un compromis fait en conscience et que nous cherchons à analyser. » Les travaux de la chercheuse indiquent notamment que certaines thématiques se prêtent mieux que d’autres à ce jeu dialectique. La cryptographie est plus facile à mettre en scène que d’autres découvertes mathématiques par exemple.
Élève auteurs, lecteurs critiques
Sur un plan pédagogique, ces ateliers permettent probablement aux élèves d’être davantage conscients des choix et des simplifications opérés, et de ce fait plus critiques lorsqu’ils y sont confrontés. « Le fait qu’ils ne soient pas cantonnés au rôle d’auditeurs passifs apparaît à première vue comme un facteur de motivation », ajoute la chercheuse. À terme, Cécile de Hosson souhaiterait compléter les analyses du projet Sarabandes pour vérifier si la créativité encourage une meilleure assimilation de savoirs scientifiques. Après quelque cinq années de tests et une petite dizaine d’ateliers analysés, la chercheuse est portée à le croire. Il semble par exemple y avoir un effet “pied à l’étrier” : des élèves ayant des difficultés en sciences, souvent découragés par avance, sont décomplexés par ce format et retrouvent un intérêt à apprendre. « Nous n’en sommes pas là, mais il serait très intéressant de tester cette intuition en collaboration avec des chercheurs en sciences cognitives. »
* Pour en savoir plus : C. de Hosson et coll., Communicating science through the Comics & Science Workshops: the Sarabandes research project, JCOM, 2018.