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L’Afrique, avenir du monde ?

De France, on a souvent une image déformée, voire simpliste, de l’Afrique. Une vision biaisée qui occulte les nombreux changements traversant le continent, acteur de longue date de la mondialisation. La parole est donnée Catherine Coquery-Vidrovitch, professeur émérite à Paris Diderot, UMR CESSMA (Paris Diderot, Inalco et Institut de Recherche pour le Développement).

Dans son discours de Dakar en 2008, Nicolas Sarkozy alors Président de la République estimait que « le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. » Pour l’historienne spécialiste de l’Afrique sub-saharienne, Catherine Coquery-Vidrovitch, au contraire « l’Afrique a l’histoire la plus longue du monde » et elle a irrigué celle de l’humanité. Ainsi la production d’or, socle du développement du capitalisme, a-t-elle été pendant des siècles quasi exclusivement africaine. Sans elle, nul doute que l’économie mondiale n’aurait pas le même visage aujourd’hui.

L’Afrique continue d’approvisionner le monde en matières premières. Loin de subir cette mondialisation, le continent en est pleinement acteur. Les dirigeants sont partie prenante du commerce mondial, « mais cela sert trop souvent leur enrichissement personnel », déplore Catherine Coquery-Vidrovitch. Cette prédation, qui est encore la règle dans certains pays, cache une réalité bien plus nuancée au niveau du continent. De très belles réussites sont en train d’émerger, alors que l’Afrique se transforme à une vitesse inégalée depuis 1990, « parfois en quelques semaines », remarque l’historienne.

L’intérêt des investisseurs

Les peuples sont de plus en plus acteurs de ce changement. « Au fin fond des campagnes, les gens sont au courant de ce qui se passe dans le monde car ils sont connectés via leurs téléphones portables », explique l’historienne. Une nouvelle élite intellectuelle, qui a étudié et travaille souvent à l’étranger, revient ensuite dans son pays d’origine avec de nouveaux savoirs et savoir-faire. Cette circulation favorise une production africaine qui s’exporte à son tour.

« Il suffit d’une génération pour former des ingénieurs informaticiens et autres profils qualifiés », note Catherine Coquery-Vidrovitch, et cette génération est arrivée. Grâce à une démographie importante, le continent devrait rapidement devenir le plus peuplé au monde. Les investisseurs internationaux ne s’y sont d’ailleurs pas trompés : pour eux, l’Afrique est l’avenir de l’économie mondiale. Sans tomber dans l’angélisme, l’historienne prévient : « l’Afrique fait pleinement partie de la mondialisation mais elle n’a pas encore la place qu’elle devrait occuper, et qu’elle occupera certainement ».

"L’Afrique des routes", une histoire mobile du continent

Raconter l’histoire de la mondialisation du continent africain : voici l’ambition de “l’Afrique des routes”, exposition au Quai Branly dont Catherine Coquery-Vidrovitch est la conseillère scientifique et la commissaire associée.
Laboratoire

Centre d'Etudes en Sciences Sociales sur les Mondes Africains, Américains et Asiatiques

Cette unité multidisciplinaire rassemble historiens, géographes, sociologues, anthropologues, économistes, démographes et urbanistes. Les terrains d’enquête sont en Amérique centrale et du Sud, en Afrique et dans le monde arabe et en Asie.