Ressenti du patient et dossier médical numérique
L’équipe Recherche clinique ville-hôpital, méthodologies et société (Remes) de l’université Paris Diderot développe un dossier médical numérique prenant en compte les ressentis et la qualité de vie de patients atteints du VIH. Le psychomotricien Martin Duracinsky nous explique les bénéfices attendus de cet outil partagé entre l’individu et l’ensemble des professionnels de la santé.
- Quelle est la particularité de votre projet ?
Tout d’abord, c’est un outil ouvert à tous les praticiens : au sein de l’hôpital, quel que soit leur service, et aux professionnels de la santé en ville. Plus qu’un simple dossier médical partagé, l’application intègre aussi les perceptions du patient renseignées directement par le malade à partir de questionnaires accessibles en ligne. Élaborés par des psychomotriciens selon une méthodologie rigoureuse héritée des essais cliniques, les formulaires évaluent la qualité de vie, le rapport à la maladie ou encore la tolérance aux traitements.
- Quels sont ses avantages pour le praticien et le patient ?
Grâce à cette application, les médecins accèdent à un suivi précis et régulier du parcours du malade. L’outil facilite également les analyses croisées de résultats et évite, par exemple, des examens redondants. Par ailleurs, la mise en regard du parcours de soin avec le ressenti du patient permet de mesurer l’impact d’une prise en charge médicale sur la qualité de vie du malade et de l’adapter si besoin. Nous avons aussi montré que l’intérêt porté au patient, via le questionnaire, améliore d’emblée la communication avec le médecin, en ouvrant la discussion sur d’autres sujets que le suivi biologique de sa pathologie. En cela, notre projet favorise la codécision et invite l’individu à devenir davantage acteur de sa santé.
- À quels blocages votre application, et plus largement les outils de partage d’informations médicales, font-ils face aujourd’hui ?
J’écarterai les problèmes d’ordre techniques assez rapidement. Car on sait aujourd’hui concevoir des applications simples d’usage et conviviales ; même les personnes les moins à l’aise avec les outils numériques parviennent à remplir nos questionnaires. La question éthique, liée à la confidentialité des données, est un obstacle beaucoup plus contraignant, notamment en France. La protection des données du patient est une question primordiale, mais il serait dommage qu’elle devienne un frein au progrès de la médecine et de la prévention. Reste à convaincre les décideurs que les bénéfices sont bien supérieurs aux risques. Pour cela, la recherche doit aussi produire des études démontrant plus concrètement l’efficacité et la pertinence économique des outils qu’elle développe.