Une nouvelle réponse aux crises virologiques possible avec Viruscan
Le laboratoire Matériaux et Phénomènes Quantiques (MPQ, UMR 7162 Paris Diderot/CNRS) participe au consortium européen de recherche VIRUSCAN soutenu par le programme Horizon 2020 de la Commission européenne. Ce projet interdisciplinaire vise à appliquer les progrès de l’optomécanique aux biocapteurs dans le champ de la virologie (Ébola, VIH, Dengue, Chikungunya, Zika…).
L’optomécanique au service de la virologie
Les diagnostics d’infections virales bénéficieraient grandement de technologies nouvelles capables de s’adapter rapidement aux mutations des virus, ou de vérifier la présence d’un virus sans pré-connaissance de son identité. Aujourd’hui, le diagnostic est fondé sur l’identification d'acides nucléiques liés à un agent pathogène spécifique. Néanmoins, il ne permet pas de discerner les stades infectieux de ceux latents et exige des ajustements chronophages lorsque des mutations se produisent ou que de nouveaux virus apparaissent.
Avec VIRUSCAN, l’idée est d’apporter une technologie nouvelle capable d'identifier les particules virales et d’évaluer leur potentiel infectieux à travers la caractérisation de deux paramètres physiques : leur masse et leur rigidité. Il a été récemment démontré que ces paramètres agissent comme régulateurs du potentiel infectieux à différents stades du cycle de vie du virus.
En parallèle, les progrès dans les systèmes nanomécaniques ont démontré que la rigidité et la masse pouvaient être mesurées à l’échelle d’un objet biologique unique. L’analyse des propriétés mécaniques intrinsèques des particules virales permettra le développement d'une base de données ouverte regroupant tous les virus et leurs mutations, à l’usage de la communauté scientifique, médicale, et du public.
Le laboratoire MPQ au cœur de la technologie VIRUSCAN
« Imaginons un instrument qui, après un tri du fluide infecté et son électro-nébulisation, dépose un virus sur un nanosystème optomécanique. En atterrissant, il modifie les propriétés du système, qui, telle une balance, est sensible à la masse du virus, et à l’effort mécanique exercé » explique Ivan Favero, directeur de recherche CNRS au laboratoire MPQ et responsable scientifique du projet pour l’université.
Au sein de la communauté de recherche VIRUSCAN, l’expertise du laboratoire MPQ1 se situe dans sa capacité à concevoir et contrôler des systèmes optomécaniques particulièrement sensibles, de taille miniature, et capables de détecter des masses et des forces quasi imperceptibles.
« Au laboratoire, où nous fabriquons les systèmes optomécaniques dans notre salle blanche, nous développons le cœur de la technologie VIRUSCAN. La suite des expérimentations sur virus sera menée dans d’autres laboratoires à Madrid, Hambourg ou Groningen. Si nous réussissons les premières preuves de concept, nous sous-traiterons la conception des différentes parties, car nous faisons de la science fondamentale et les coûts de production à large échelle ne sont pas de notre ressort. »
L’Union européenne, figure de proue de l’interdisciplinarité.
En sus du travail mené au sein du laboratoire MPQ, chaque partenaire a un rôle essentiel. Au sein du consortium VIRUSCAN, ce sont au total 7 instituts et laboratoires de pointe, qui représentent de multiples disciplines et savoir-faire travaillant de manière synergique :
- Le CSIC, conseil supérieur de la recherche en Espagne, coordonne le projet et héberge une équipe spécialisée dans l’interaction des systèmes nanomécaniques avec des objets biologiques.
- Le LETI, institut de recherche technologique du CEA basé à Grenoble, apporte une expertise en fluidique, développant une technologie de pré-tri du sang pour ne conserver que les virus dans le volume analysé.
- La PME grecque Fasmatech, quant à elle, fabrique des électronébuliseurs capables de pulvériser, puis de guider par trajectoire électrique, le liquide précédemment épuré jusqu’au système nano optomécanique.
- Des physiciens-biologistes du virus, à Groningen et à Hambourg, utilisent des outils de physique de pointe appliqués à la biologie des virus.
- Des médecins des hôpitaux de Madrid font, eux, le lien entre les recherches en amont et l’application clinique.
- Enfin, l’Institut TNO, aux Pays-Bas, est spécialisé dans le transfert technologique. Ils sont chargés de s’assurer que le consortium évolue vers un prototype d’instrument intégrable et portable.
L’impact de la technologie VIRUSCAN est attendu à plusieurs niveaux: de la médecine proche du patient à la science fondamentale des virus. L’approche développée permettrait d’apporter une réponse rapide et fiable lors de situations d'urgence. Des exemples très contemporains sont la crise EBOLA en Afrique de l'Ouest et la propagation du virus ZIKA au Brésil, où la nécessité d’arrêter la propagation des infections virales appelle au développement de technologies et solutions nouvelles.
Le projet VIRUSCAN, d’une durée de 5 ans, avec un budget total d’environ 7 millions d’euros, est un projet de recherche exploratoire, dont la technologie pourrait ensuite passer à une maturation plus avancée. Le financement de VIRUSCAN provient du programme de recherche et innovation européen Horizon 2020, sous l’instrument FET (voir encadré).