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Quand les mots éclairent les œuvres littéraires et les débats épistémologiques

Qu’il s’agisse des écrits philosophiques théoriques de Roland Barthes, Jacques Deleuze et Jacques Derrida ou de l’œuvre purement littéraire d’Arthur Rimbaud, Eric Marty adopte une démarche rigoureuse avec pour objectif de faire « parler » les mots. Rencontre avec le professeur de littérature française contemporaine, et coresponsable de l’axe de recherche « Pensée et création contemporaine » du Centre d’études et de recherches Interdisciplinaires en lettres arts cinéma.


Vos travaux de recherche en littérature relèvent-ils d’une démarche scientifique ?

Parfaitement. Je m’inscris dans une démarche philologique et textualiste, qui consiste en une étude du langage à partir de documents écrits. Je dissèque les textes, j’étudie les mots présents dans les corpus. Pourquoi ce terme est-il utilisé ? Quelle signification revêt-il dans cette langue et dans tel contexte historique ? Les mots m’apportent une compréhension plus fine du sujet à l’étude, qu’il s’agisse d’un débat épistémologique entre philosophes ou d’une œuvre littéraire toujours prise dans un champ esthétique et historique.
 

Ainsi, vous étudiez depuis deux ans la confrontation épistémologique entre la pensée du neutre et la théorie du genre. En quoi l’analyse des mots éclaire-t-il ce débat historique ?

Les mots que l’on retrouve dans les textes de Judith Butler, théoricienne du genre, ou dans ceux de Roland Barthes et Jacques Deleuze, adeptes de la pensée du neutre, trahissent leurs ancrages théoriques et historiques. Ainsi, le terme « failure » employé par la philosophe américaine signifie « raté » et non « échec », et correspond bien à un usage mécanique du langage caractéristique du pragmatisme linguistique qui la qualifie. En France, l’étude des écrits des partisans de la pensée neutre révèlent un paradoxe : alors que le courant structuraliste dans lequel ils s’ancrent rejette le romantisme, tous s’appuient sur des œuvres littéraires du 19è siècle pour élaborer leur théorie.
 

Cette démarche philologique est transposable à une œuvre purement littéraire comme celle d’Arthur Rimbaud. Qu’avez-vous découvert ?

Ce qui est passionnant avec Rimbaud, c’est que tout se mêle : ses poèmes, sa prose mais aussi toutes ses correspondances, les écrits de sa sœur qui retranscrivait ses paroles au moment de sa fin. En étudiant l’ensemble de cette vie écrite, on accède à ce que fut réellement Rimbaud : un génie, produit de la pensée parnassienne de l’époque qui rompit avec cette image stéréotypée du poète pour entrer dans une démarche autodestructrice. Après le Bateau Ivre, il refusa de publier. Ses écrits restèrent à l’état de manuscrit. Heureusement, le poète les glissait dans ses correspondances. Ils ont ainsi pu être retrouvés et exister.

Laboratoire

Centre d'études et de recherches interdisciplinaires de l'UFR LAC (lettres, arts et cinéma)

Le Centre d’Études et de Recherches Interdisciplinaires de l’UFR Lettres, Arts, Cinéma (CERILAC, équipe d’accueil 4410) est né en 2007 de la fusion de cinq équipes d’accueil, réalisée sous l’égide de Francis Marmande.
Publication

Eric Marty - L'invasion du désert

Eric Marty est écrivain et professeur de littérature française contemporaine à l’université Paris Diderot et, est co-responsable de l'axe "Pensée et création contemporaine" de l'UFR LAC, Il est l'auteur de plusieurs romans.