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Cassini lève peu à peu le voile sur les anneaux de Saturne

La sonde Cassini de la NASA, restée en orbite autour de Saturne de 2004 à 2017, a modifié sa trajectoire durant la dernière phase de la mission. Son objectif ? Effectuer des survols particulièrement rapprochés de la planète et de ses anneaux. Au cours du « grand final », Cassini a réussi l’exploit de passer entre Saturne et ses anneaux, avant de plonger au cœur de la planète. Cette configuration unique a permis des observations exceptionnelles du système d’anneaux.

Une équipe internationale a compilé l’ensemble des images haute résolution, ainsi que des profils spectraux et thermiques, afin de mieux comprendre les propriétés physiques de ces anneaux. Des chercheurs de deux laboratoires français, le Laboratoire de planétologie et géodynamique (LPG, CNRS/Univ. Angers/Univ. Nantes), et l’institut de physique du globe de Paris (IPGP/Université de Paris, CNRS) ont été impliqués dans cette étude internationale, publié le 13 juin 2019 dans Science.

Cette équipe internationale décrit les résultats des analyses de quatre instruments de la sonde Cassini ayant étudié de près les anneaux principaux de Saturne. Les images collectées montrent notamment l’interaction étroite entre de petits satellites incrustés et les anneaux (nommés de A à G, selon l’ordre de leur découverte), qu’ils contribuent à sculpter de l’intérieur. Ces minuscules lunes agissent comme des protoplanètes en formation au sein même du disque de matière. Elles livrent ainsi un aperçu de la formation de notre système solaire, à travers son disque d’accrétion évoluant sous l’influence des masses qui le composent.

Ces nouvelles observations donnent aux scientifiques une meilleure appréciation de ces anneaux, chaque détail révélant de nouvelles complexités.

« Au LPG, nous nous sommes concentrés sur l’analyse des données de l’imageur hyperspectral VIMS, qui a été utilisé dans un mode très particulier, permettant de tirer un maximum de profit des survols en rase-motte effectués par Cassini, » explique Stéphane Le Mouélic, chercheur CNRS au LPG (CNRS/Université de Nantes/Université d’Angers), qui a aussi travaillé avec Sébastien Rodriguez, chercheur à l’IPGP et maître de conférence à l’Université Paris Diderot . « Le résultat est une série d’observations de quelques dizaines de pixels de large et plusieurs centaines de long, traversant l’ensemble des anneaux, et mettant en évidence leur diversité spectrale. Les anneaux, très finement structurés, apparaissent dominés par la signature infrarouge de la glace d’eau, avec une composante plus ou moins importante de contaminants pouvant correspondre à des particules de fer métallique nanophase. Aucune trace d’ammoniaque, de méthane ou de molécules organiques n’y a été détectée. »

Cécile Ferrari, chercheuse à l’IPGP, professeure à l’université Paris Diderot et co-investigatrice de l’instrument CIRS, a contribué à l’analyse et à l’interprétation des observations du spectromètre infrarouge CIRS qui a déterminé tout au long de la mission la température des anneaux. « La température des anneaux trace le comportement dynamique des particules dans le plan équatorial de la planète et aussi leur structure interne (porosité par exemple). Nous avions déjà découvert que dans les anneaux A et B les plus denses, plus l’anneau était dense optiquement (capable d’absorber la lumière solaire incidente), plus le gradient de température entre ses faces éclairées et non-éclairée par le soleil était important. » ce qui peut être interprété comme due à une épaisseur plus grande à cet endroit. Ce comportement a été confirmé avec les données à très haute résolution obtenues lors des dernières orbites rasantes. « Ces dernières observations nous ont cependant permis d’obtenir une très bonne résolution sur des structures dynamiques plus étroites (en étendue radiale) de l’anneau A ou les plateaux de l’anneau C et nous ont montré que dans l’anneau A on peut observer un comportement différent, sans doute explicable par une dynamique verticale des particules plus prononcée et un transfert de chaleur plus efficace. Dans l’anneau C, malgré la meilleure résolution obtenue sur les plateaux, le bruit reste important et il est difficile d’établir une corrélation claire entre leur profondeur optique et un gradient thermique plus fort. »

Certaines interrogations ont donc été levées grâce à cette plongée de la sonde au coeur des anneaux, mais de nombreux mystères demeurent quant à la dynamique de ces structures et les scientifiques impliqués se focalisent désormais sur la modélisation de l’évolution de ces anneaux.

La mission Cassini-Huygens est un projet en coopération entre la NASA, l’ESA (Agence spatiale européenne) et l’Agence spatiale italienne. Le Jet Propulsion Laboratory (NASA, Caltech) a conçu, développé et assemblé l’orbiteur Cassini. L’antenne radio a été construite par le JPL et l’Agence spatiale italienne, en collaboration avec des membres de l’équipe des États-Unis et de plusieurs pays européens.

 

Source :

* M. S. Tiscareno, P. D. Nicholson, J. N. Cuzzi, L. J. Spilker, C. D. Murray, M. M. Hedman, J. E. Colwell, J. A. Burns, S. M. Brooks, R. N. Clark, N. J. Cooper, E. Deau, C. Ferrari, G. Filacchione, R. G. Jerousek, S. Le Mouélic, R. Morishima, S. Pilorz, S. Rodriguez, M. R. Showalter, S. V. Badman, E. J. Baker, B. J. Buratti, K. H. Baines, C. Sotin, Close-range remote sensing of Saturn’s rings during Cassini’s ring-grazing orbits and grand finale, Science, June 2019

Laboratoire

Institut de physique du globe de Paris

L’IPGP s’est construit avec l’objectif de comprendre le fonctionnement intime de la Terre, de son noyau à sa surface, en utilisant les méthodes de la physique et de la chimie, les outils des mathématiques et de l’informatique.