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Frédéric Moynier : les isotopes au top !

A 36 ans, Frédéric Moynier a décroché l'ERC Starting Grant. Réunissant autour de lui une équipe internationale de jeunes chercheurs, il étudie la composition isotopique de certains composés chimiques. Avec cette bourse, il compte explorer de nouvelles voies de recherche. Portrait d'un précurseur.
 
Après huit années passées aux USA, Frédéric MOYNIER est, depuis septembre 2013, professeur en cosmochimie à l’université Paris Diderot, au laboratoire Cosmochimie, astrophysique et géophysique expérimentale de l’Institut de Physique du Globe de Paris. Ce brillant chercheur a obtenu coup sur coup une chaire USPC en mai 2014, avant de devenir membre de l’Institut Universitaire de France dans la catégorie junior depuis septembre 2014. Il a pu ainsi, dès son retour en France, monter une équipe internationale composée de deux thésards (une américaine et une japonaise) et d’un post-doc (anglais) venus avec lui des États-Unis, et il a depuis recruté un thésard supplémentaire (américain) et trois post-docs  (un australien et deux françaises).

De la question de la présence de l’eau sur la Lune à l’étude des causes de la maladie d’Alzheimer

Frédéric MOYNIER étudie les origines de la Terre, de la Lune et du système solaire et plus particulièrement l’origine de l’eau sur les planètes et les corps célestes : pourquoi n’y a-t-il pas d’eau sur la Lune, alors qu’il s’agit de notre satellite ? D’où vient l’eau sur Terre ?  Est-elle là depuis la naissance de notre planète ou a-t-elle été apportée par du matériel extraterrestre ? Pour répondre à toutes ces questions, Frédéric MOYNIER et son équipe s’intéressent à la composition isotopique de certains composés chimiques.

Leader mondial dans son domaine de recherche

Ces jeunes chercheurs utilisent des méthodes de mesures d’abondances isotopiques de haute précision (deux isotopes d’un élément chimique ont le même nombre de protons mais diffèrent par leur nombre de neutrons). Car Frédéric MOYNIER est un précurseur ; il a réalisé sa thèse sur le premier modèle d’un spectromètre de masse qui permet la mesure d’infimes variations entre l’abondance d’isotopes d’un même élément chimique, en particulier les métaux comme le Fer, le Zinc, le Cuivre. Ces infimes variations entre deux constituants nous éclairent sur la chronologie des événements dans la formation des planètes au moment de la genèse du Système Solaire

C’est ainsi que Frédéric MOYNIER et son équipe étudient à nouveau les roches lunaires, rapportées il y a 46 ans de la mission Apollo 1969, pour leur faire dire des choses inédites. « Avec la bourse ERC on va pouvoir explorer d’autres voies, et surtout passer un palier au niveau expérimental. Nous sommes arrivés à un plafond technique. Les moyens en équipements et en compétences vont nous permettre de gagner un ordre de grandeur en terme de précision dans les mesures ! » se réjouit Frédéric MOYNIER. « Avec mes collègues américains, on essaie même de monter de nouvelles missions lunaires » poursuit le chercheur.

De la Cosmochimie à la Médecine en passant par l’environnement

Ces méthodes d’analyses trouvent des applications en sciences environnementales pour étudier le transport des métaux entre les plantes et le sol, ou l’érosion des chaines de montagnes. Mais elles débouchent aussi sur des applications médicales pour diagnostiquer certaines maladies neurodégénératives. « Les métaux comme le zinc, le cuivre, le fer sont abondants dans le corps humain et sont impliqués dans de très nombreuses réactions métaboliques  - par exemple la fixation de l’oxygène dans le sang- et participe à la structure de nombreuses protéines. Or, on a constaté que certaines maladies modifient l’équilibre des métaux dans notre corps » explique Frédéric MOYNIER.

Avec Marie Le Borgne, Maître de Conférence P7 dans un laboratoire INSERM localisé à l’hôpital Bichat, le professeur en cosmochimie a montré que dans des conditions normales chaque organe a une composition isotopique du zinc spécifique. Or une des conséquences de la maladie d’Alzheimer est la présence de plaques séniles beaucoup plus riches en zinc qu’un cerveau sain. D’où l’hypothèse, en cours de test, que la maladie d’Alzheimer modifierait la composition isotopique du sang ce qui pourrait permettre d’introduire une méthode de diagnostic de la maladie. « On pousse les méthodes au maximum et on essaie de les appliquer à d’autres domaines » s’émerveille Frédéric MOYNIER.

« Qui aurait pu imaginer, que des analyses développées pour la datation des roches en sciences de la Terre permettrait de mesurer des isotopes dans le sang. C’est Claude Allègre et son équipe qui ont été parmi les premiers à mesurer précisément l’abondance des isotopes présents dans les roches et les météorites. Ces méthodes ont ensuite été utilisées pour dater la terre, et aujourd’hui pour mesurer les taux de métaux lourds présents dans le corps humain… »

Laboratoire

Institut de physique du globe de Paris

L’IPGP s’est construit avec l’objectif de comprendre le fonctionnement intime de la Terre, de son noyau à sa surface, en utilisant les méthodes de la physique et de la chimie, les outils des mathématiques et de l’informatique.