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Benoît Ladoux, à l’interface de la physique, de la biologie et de l’ingénierie

Physicien au laboratoire Matière et Systèmes Complexes et désormais co-responsable d’une équipe de recherche à l’Institut Jacques Monod avec René-Marc Mège, Benoît Ladoux  est lauréat en 2013 d’une bourse ERC (European Reseach Council). Son projet DURACELL est une recherche à l’interface de la physique, de la biologie et de l’ingénierie qui vise à étudier les mécanismes par lesquels les cellules répondent aux contraintes mécaniques de leur environnement.

Impact des facteurs mécaniques sur le développement des cellules vivantes
 
L’un des défis de la biologie moderne, mais aussi de la recherche biomédicale, est de comprendre comment les systèmes biologiques, par nature complexe, interagissent, se coordonnent et fonctionnent à l’échelle des cellules, des tissus et des organes. On a longtemps mis l’accent sur les mécanismes biochimiques, considérés comme seuls responsables de l’activité cellulaire. Il s’avère que les facteurs mécaniques peuvent également changer les propriétés des cellules vivantes.
 
« Si on dispose les cellules dans un environnement mou ou rigide elles ne vont pas réagir de la même manière. Par exemple, l’environnement des cellules osseuses n’est pas le même que celui des cellules musculaires. Elles peuvent choisir des chemins de différenciation. Certaines vont devenir des neurones, d’autres des ostéoblastes ou tout autre ». Une partie de ce processus peut être régulée uniquement par l’environnement physique qui modifie les forces que les cellules appliquent sur leur environnement, l’architecture interne de la cellule et la manière dont les gènes sont transcrits et régulés. « Il y a une forte interaction entre l’environnement mécanique et la régulation des gènes qui émerge d’un champ récent de recherches qu’on appelle la mécanobiologie »
 
Le projet DURACELL
 
L’équipe du projet DURACELL cherche à comprendre, dans certains processus biologiques, comment les cellules répondent à leur environnement physique. Pour cela, ils leur imposent des contraintes mécaniques ou géométriques et exercent des forces sur ces dernières dans le but de mimer l’environnement naturel rencontré par les cellules au cours de leur vie. Les cellules sont des matériaux vivants et vont donc naturellement répondre à ces changements d’environnement. L’idée est d’en modifier la rigidité et d’observer la migration des cellules, seules ou en groupes, puis de corréler ces mesures mécaniques aux mécanismes biochimiques. « Ce que l’on fait, c’est regarder à différentes échelles ce qu’il se passe à l’intérieur de la cellule. On s’intéresse particulièrement aux forces générées par les cellules via leurs complexes d’adhésion et leur cytosquelette d’actine pour voir comment les forces sont générées et comment, en retour, elles modifient les fonctions cellulaires».
 
Pour récolter ces données, ils ont créé des outils issus de la micro fabrication. C’est là que l’ingénierie entre en jeu. En mettant les cellules sur les piliers micrométriques déformables qui servent de capteurs de forces, dans des environnements confinés, ils peuvent contrôler les propriétés d’adhésion cellulaire et ainsi représenter, en laboratoire, ce qui se passe in vivo.
 
D’un point de vue fondamental, cette bourse ERC permet à Benoît Ladoux de comprendre comment les cellules migrent, adhèrent les unes aux autres, ce qui est crucial lors du développement des tissus et de certains processus pathologiques comme la progression tumorale. Ces recherches pourraient également permettre d’étudier la réponse des tissus à des drogues spécifiques pour étudier certaines pathologies ou intéresser certains industriels qui voudraient étudier directement les effets d’agents actifs sur le comportement des tissus.
 
« Obtenir une bourse ERC m’a permis de développer de nouveaux axes de recherche avec le recrutement de doctorants et post-doctorants. Dans un domaine de recherche expérimentale où l’obtention de financements est cruciale pour mener à bien nos projets, cette bourse nous permet de travailler avec sérénité et de pouvoir avoir une vision à plus long terme.»

 

(c) Benoît LADOUX/CNRS Photothèque