Bourses L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science
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Bravo à nos lauréates Université de Paris

Pour tordre le cou aux préjugés et inspirer des vocations chez les filles, la Fondation L’Oréal, en partenariat avec l’Académie des sciences, l’UNESCO et le Muséum national d’Histoire naturelle s’engage à travers son programme « Bourses L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science ». Cette année, 3 doctorantes d’Université de Paris en sont lauréates.

Pour faire émerger une nouvelle génération de chercheuses d’excellence, la Fondation L’Oréal, aux côtés de l’UNESCO, remet chaque année, via ses programmes nationaux et régionaux Jeunes Talents Pour les Femmes et la Science, près de 280 dotations, qui visent à apporter un soutien spécifique aux doctorantes et post-doctorantes.

Issues de tous domaines de recherche (big data, préservation de la biodiversité, traitements innovants contre le cancer, astrophysique, etc.), les Jeunes Talents 2019 sont nombreuses à vouloir partager leur passion pour la science, certaines étant engagées dans des associations d’accompagnement scolaire ou de lutte contre les discriminations de genre en sciences.
 

Lisa Bugnet - Interpréter le rire des étoiles

Pouvoir entendre le « rire » des étoiles, c’est par cette expression imagée que Lisa Bugnet, doctorante au sein du Laboratoire Dynamique des Étoiles, des Exoplanètes, et de leur Environnement (LDE3, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives de l’Université Paris-Saclay, Centre national de la recherche scientifique), résume joliment l’objectif de ses recherches.

Le gaz chaud qui compose les étoiles est en mouvement depuis les profondeurs vers l’extérieur. Lorsqu’il atteint la surface, il forme comme des bulles qui éclatent bruyamment. Les sons émis se propagent vers les profondeurs et s’additionnent, provoquant la vibration de l’étoile en cadence avec les fréquences sonores qui lui sont propres.

Pour mener ses travaux, Lisa Bugnet a d’abord utilisé un télescope spatial de la NASA, dénommé Kepler. Afin de se repérer à l’intérieur des données déjà recueillies par ce télescope, qui a pu observer quelques 200 000 étoiles, la doctorante a développé un procédé d’intelligence artificielle (IA) qui permet de sélectionner les étoiles qui l’intéressent en priorité : les « vieux » soleils, soient ceux qui ont environ deux fois l’âge du nôtre. L’astrophysicienne s’attache plus particulièrement à comprendre la dynamique en jeu à l’intérieur de ces étoiles, afin d’en savoir plus sur leur origine, leur évolution et in fine sur notre jeune soleil.

La mission principale de Kepler ayant pris fin en 2013 à cause de problèmes techniques sur le satellite, Lisa Bugnet complète ses données avec le nouvel outil de l’agence américaine, le télescope spatial TESS qui lui permet de visualiser le rire d’étoiles encore plus brillantes et mystérieuses. Ce sont des dizaines voire des centaines de milliers d’étoiles qui sont observées chaque mois dans une région différente du ciel, d’où la nécessité de développer des algorithmes de classification avant de pouvoir réaliser les études sismiques. Les techniques d’IA développées par Lisa montrant déjà tout leur potentiel, font d’elle une pionnière dans le domaine.

Le Prix Jeunes Talents du programme L’Oréal UNESCO Pour les Femmes et la Science va notamment permettre à Lisa Bugnet de participer à des conférences scientifiques internationales, un passage indispensable pour tout scientifique afin de se faire connaître de ses pairs et de donner de la visibilité à son objet de recherche. Il s’agit aussi d’enceintes souvent très masculines, où faire reconnaître ses compétences n’est pas toujours aisé pour de jeunes chercheuses. Un challenge que Lisa Bugnet veut relever avec détermination pour contribuer à ouvrir la science aux femmes, convaincue que la recherche sera inclusive ou ne sera pas.

Lisa Bugnet, doctorante
Université Paris-Saclay, Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Astrophysique, Instrumentation et Modélisation de Paris-Saclay (AIM), Université de Paris

 

Charlène Estrada - La recherche fondamentale au service du mélanome cutané

De nature très curieuse, Charlène Estrada a toujours aimé les sciences et cherché à comprendre le fonctionnement du corps humain. Mais son choix d’orientation vers la cancérologie s’est fait à l’âge de 17 ans lorsqu’elle a malheureusement découvert que les cancers pédiatriques pouvaient aussi toucher des personnes proches de son entourage.

Ses travaux de recherche portent spécifiquement sur le mélanome, en recrudescence depuis plusieurs dizaines d’années, qui est aujourd’hui plus que jamais une problématique de santé publique. Cette tumeur particulièrement agressive résulte de la transformation des mélanocytes, autrement dit les cellules responsables de la pigmentation de la peau.

Au sein de ces tumeurs, on retrouve des altérations génétiques ou mutations très fréquentes au niveau des gènes BRAF ou NRAS. Ces modifications au niveau des gènes ont de lourdes conséquences : elles produisent des protéines mutées qui agissent ensuite de manière non contrôlée au sein de la cellule cancéreuse, ce qui leur permet de se multiplier de façon anarchique et de faire croître la tumeur.

Des bloqueurs (inhibiteurs) de la protéine BRAF constituent des solutions thérapeutiques ciblées mais leur utilisation reste problématique à cause de l’émergence fréquente de résistances et de l’impossibilité d’utiliser ces bloqueurs de BRAF pour les patients porteurs de la mutation NRAS. En effet, à ce jour, les patients mutés NRAS souffrant d’un mélanome n’ont d’autre choix que de recourir à l’immunothérapie, un traitement révolutionnaire qui est cependant associé à un taux de réponse variable d’un patient à l’autre et à une toxicité non négligeable.

Étant donné le rôle crucial des protéines RAF (dont il existe trois membres : ARAF, BRAF et CRAF) dans le développement des cancers de la peau, Charlène Estrada cherche à les étudier à partir de modèles cellulaires. En utilisant une technique de pointe, elle a été capable de montrer pour la première fois, que la protéine ARAF formait un complexe avec une autre protéine appelée MITF, acteur majeur dans les cellules du mélanome. L’éclairage donné à leur interaction devrait permettre de mieux comprendre comment ces protéines agissent de concert dans la croissance du mélanome et d’ouvrir, à plus long terme, de nouvelles pistes thérapeutiques avec des traitements appro – priés ciblés, notamment pour les patients non éligibles aux inhibiteurs de BRAF.

Charlène Estrada est, en dehors de son laboratoire, très impliquée dans le monde associatif : elle a notamment participé à l’organisation du forum BIOTechno Paris, qui a pour but de faire découvrir aux jeunes chercheurs les métiers des biotechnologies. Passionnée par la transmission, elle reste marquée par le souvenir d’un voyage humanitaire au Bénin, lors duquel elle a enseigné le français et les mathématiques à une classe élémentaire. Une expérience qu’elle souhaite renouveler dès la fin de sa thèse pour partager

Charlène Estrada, doctorante
Signalisation normale et pathologique : de l’embryon aux thérapies innovantes des cancers, Institut Curie, Université de Paris, École Doctorale Hématologie Oncogenèse et Biothérapies, Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM U1021), Centre national de la recherche scientifique (CNRS UMR 3347), Université Paris-Sud

 

Aude Facchin - Adapter les posologies des anti-infectieux aux enfants

Passionnée de voyage, Aude Facchin a commencé ses études en pharmacie à Reims avant d’avoir l’opportunité de partir en échange en Espagne, à Valence. De retour en France, elle passe le concours d’entrée de l’internat de pharmacie hospitalière, qu’elle assortit d’une année de recherche dans un laboratoire de pharmacologie clinique pédiatrique : elle a trouvé sa voie. Après son internat, elle décide donc de poursuivre ses travaux de recherche via une thèse de sciences, tout en exerçant en parallèle son activité de pharmacien au sein d’un centre hospitalier.

Encore aujourd’hui, de nombreux médicaments sont utilisés chez l’enfant sans évaluation spécifique de sécurité, d’efficacité ou sans posologie validée. Le choix des posologies et leur adaptation à l’âge de l’enfant demeurent problématiques, puisque les doses ne sont pas extrapolables à celles de l’adulte. Les études de pharmacologie pédiatrique s’avèrent être essentielles car elles permettent d’analyser l’impact de la maturation de l’organisme de l’enfant en développement, sur la pharmacocinétique, c’est à dire l’évolution des concentrations des médicaments dans celui-ci, et ainsi de valider la dose optimale.

Le manque d’études dans la population pédiatrique représente assurément un frein à l’optimisation des traitements. Le projet de recherche que mène Aude Facchin vise à accroître les connaissances pharmacologiques pour améliorer l’utilisation des médicaments dans la population pédiatrique. Elle s’intéresse aux facteurs capables de modifier la distribution des médicaments dans l’organisme, afin de proposer des schémas posologiques adaptés aux caractéristiques morphologiques, biologiques et cliniques de l’enfant.

La pharmacienne concentre plus spécifiquement ses recherches à l’évaluation des anti-infectieux chez l’enfant. Cette classe thérapeutique est à la fois largement utilisée, mais aussi peu étudiée en pédiatrie. L’optimisation des posologies de ces médicaments est primordiale pour limiter les risques d’inefficacité clinique et d’émergence de résistances bactériennes ou virales, engendrées par des doses trop faibles, ou au contraire de toxicités causées par des doses trop élevées. À court terme, les résultats de ces études seront immédiatement applicables par la communauté scientifique médicale, un fait relativement rare dans la recherche.

Faire partie des Jeunes Talents Pour les Femmes et la Science 2019 va permettre à Aude Facchin de financer ses recherches, mais elle considère aussi cette reconnaissance comme un soutien à son statut de femme en science, un geste pour elle symbolique qui l’encourage à continuer sur cette voie.

Aude Facchin, doctorante
Département de Pharmacologie pédiatrique et pharmacogénétique, CHU Robert Debré, AP-HP Service de Pharmacie, Centre Hospitalier Intercommunal Robert Ballanger École Doctorale MTCI, Université de Paris

 

Félicitations également à Marie Kerjean, post-doctorante à l'Inria Rennes - Bretagne Atlantique au sein du Laboratoire des Sciences du Numérique de Nantes (LS2N). C'est au sein de l'Institut de Recherche en Informatique Fondamentale (CNRS - Paris Diderot) que Marie a effectué sa thèse "Reflexive spaces of smooth functions: a logical account of linear partial differential equations".