La formation de la galaxie d'Andromède enfin élucidée
La galaxie spirale Andromède s’est structurée il y a moins de 3 milliards d’années, à la suite d’une collision majeure survenue entre deux galaxies. C’est la conclusion rapportée par une étude adossée à des moyens de calculs informatiques sans précédent et dirigée par un astronome de l’Observatoire de Paris - PSL, au département Galaxies, Etoiles, Physique et Instrumentation - GEPI (Observatoire de Paris - PSL / CNRS / Université Paris Diderot). Celle-ci paraît en ligne dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, en date du 14 février 2018.
La grande nébuleuse d’Andromède a été décrite pour la première fois en 964, par l’astronome Perse, Abd al-Rahman al-Sufi. Répertoriée en 1923 comme galaxie, elle a souvent été considérée comme la sœur jumelle de notre Voie lactée. C’est sa plus proche voisine et cette proximité permet l’observation comparée de ses propriétés qui, jusqu’à aujourd’hui, intriguaient les astrophysiciens.
Une campagne d’observations américaine, menée entre 2006 à 2014, avait en effet souligné une différence considérable avec la Voie lactée : dans le disque géant d’Andromède, toutes les étoiles âgées de plus de 2 milliards d’années, subissent des mouvements désordonnés, dont l’ampleur est presque comparable à leur mouvement de rotation autour du centre de cette galaxie. À titre comparatif, les étoiles du disque de la Voie Lactée, dont fait partie notre Soleil, ne sont sujets qu’à un simple mouvement de rotation. Comment expliquer cette différence ?
À l’aide de modélisations effectuées sur les plus puissants moyens de calcul disponibles en France - les calculateurs de l’Observatoire de Paris (MesoPSL) et de GENCI (IDRIS - CNRS) -, et après traitement de près d’un téraoctet de données, une équipe scientifique franco-chinoise de l’Observatoire de Paris - PSL, du National Astronomical Observatory of China (NAOC), de l’Observatoire astronomique de l’Université de Strasbourg et du CNRS est enfin parvenue à caractériser les mécanismes physiques de formation d’Andromède, levant ainsi le voile sur l’origine de sa formation. Les scientifiques ont démontré que seule une collision « récente » pouvait expliquer l’agitation des étoiles, collision suivie par un épisode de formation stellaire dans l’ensemble du disque géant d’Andromède.
Il y a 7 à 10 milliards d’années, à la place d’Andromède, se trouvaient deux galaxies sur une même trajectoire de rencontre. Les astronomes ont optimisé par simulation les trajectoires des deux galaxies progénitrices. Ils ont découvert qu’elles avaient fusionné il y a 1,8 à 3 milliards d’années. Cette collision a donné naissance à Andromède telle que nous la connaissons. « Nous avons montré que la plus grande des deux galaxies progénitrices était environ quatre fois plus massive que la plus petite », précise François Hammer, astronome de l’Observatoire de Paris - PSL, premier coauteur de l’étude.
Grâce à des calculs numériques intensifs, les astrophysiciens parviennent pour la première fois à reproduire en détail l’ensemble des nombreuses structures qui composent la galaxie d’Andromède : le bulbe, la barre et le disque géant. Ce dernier inclut un gigantesque anneau d’étoiles jeunes dont la stabilité avec le temps restait inexpliquée, ce qui vient d’être résolu.
La galaxie d’Andromède est entourée de gaz et d’étoiles peuplant une région dix fois plus étendue qu’elle, communément appelée le halo. Des observations réalisées entre 2008 et 2014 sur le télescope franco-canadien à Hawaii (CFHT) montrent que le halo d’Andromède est peuplé par de gigantesques courants d’étoiles, dont le plus proéminent, s’appelle précisément le « courant géant d’étoiles ». Le disque géant présente des bords déformés, sur lesquels on retrouve également d’autres structures ayant la forme d’amas diffus ou de coquilles.
En faisant une comparaison systématique avec ces observations qui sont les plus profondes du halo d’Andromède, la collaboration franco-chinoise est parvenue à reproduire et à comprendre l’origine de ces structures. Le « courant géant d’étoiles » ainsi que les coquilles proviennent du plus petit progéniteur, tandis que les amas diffus et la déformation du disque proviennent du plus grand. Cela explique pourquoi les premières structures sont sous-abondantes en éléments lourds par rapport aux secondes : le plus petit progéniteur étant moins massif, il a formé moins d’éléments lourds et d’étoiles que le plus grand.
C’est la toute première fois qu’une simulation numérique, basée sur 24 millions de particules, parvient à reproduire une galaxie avec autant de détails. La collision gigantesque qui a eu lieu alors que notre Terre existait déjà, pourrait avoir laissé des traces dans notre environnement, le Groupe Local. Elle est le seul moyen d’expliquer comment se sont formés le bulbe, la barre, les disques minces et épais, l’anneau stable de jeunes étoiles dans le disque, le récent événement de formation stellaire dans tout le disque, la structure 3D du « courant géant d’étoiles », les coquilles et amas diffus et la distribution des étoiles dans le halo.
Lire le communiqué de presse sur le site de l'Observatoire de Paris
références
Ce travail de recherche a fait l'objet d'un article intitulé “A 2-3 billion year old major merger paradigm for the Andromeda galaxy and its outskirts”
Le 14 février 2018, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society
L’équipe est composée de François Hammer (Observatoire de Paris – PSL), Yanbin Yang (Observatoire de Paris – PSL), Jianling Wang (National Astronomical Observatory of China), Rodrigo Ibata (Observatoire astronomique de l’Université de Strasbourg), Hector Flores (Observatoire de Paris – PSL) et Mathieu Puech (Observatoire de Paris – PSL).