Dossier Game of Thrones
-A +A

#6 Game of Thrones : les histoires de familles

 
00:00

Chez les Targaryens, les unions entre apparentés servent un objectif : préserver « le sang du dragon » qui permet aux Targaryens de résister au feu …. Mais à quel prix ? Stanislas Lyonnet, directeur de l'Institut des maladies génétiques Imagine, nous parle génétique et consanguinité dans les histoires de familles de Game of Thrones.

Dans la série Game of Thrones, l’inceste et la consanguinité sont partout : 

- Les jumeaux Jaime et Cersei Lannister… qui ont trois enfants : Joffrey, Myrcella et Tommen.

- La Maison Targaryen : Daenerys Targaryen est issue d’une longue lignée de mariages consanguins entre frères et sœurs. 

- La relation entre Jon Snow et Daenerys Targaryen qui sont en fait neveu et tante. 

 

Dans la consanguinité, qu’est ce qui pose problème ?

Le génome humain comme le génome des mammifères et de beaucoup d’animaux est un génome diploïde, c’est-à-dire qu’il est présent dans toutes nos cellules à deux copies. Une copie paternelle, une copie maternelle. C’est là où intervient la notion d’allèle ou d’allélomorphe, c’est-à-dire des versions équivalentes d’un gène qui sont présentes sur l’une ou l’autre des copies. 

En général, les allèles d’un génome sont des allèles standards, qui font la variabilité des humains – en taille, en poids, en couleur de peau, en couleur de cheveux. Et cette variabilité est liée à l’action des gènes et au répertoire très important d’allèles différents.

Il arrive que des allèles soient carrément anormaux, on parle d’allèles mutants et non plus d’allèles variants, et ces allèles mutants sont des allèles qui ne fonctionne pas, pas bien ou trop au contraire. Ils sont donc défectueux. Et certains vont se comporter de manière dominante, c’est-à-dire exercer leur effet malgré la présence de l’allèle normal. On parle alors d’une hérédité autosomique dominante. 

Certains autres en revanche sont des allèles que l’on dit récessifs, dans la mesure où ils ne se manifestent que si les deux copies sont altérées, ce sont deux copies mutantes. Cette situation exige alors de comprendre que pour qu’un individu soit atteint il faut que ses deux parents soient porteurs (c’est le terme commun), hétérozygotes (c’est le terme savant), qu'ils aient les deux versions d’un allèle : un allèle mutant et un allèle normal, et que sans le savoir ils transmettent les deux versions mutantes. L’enfant ayant hérité de chaque version mutante de chaque parent, il sera déficitaire des deux allèles et exprimera alors des signes, une maladie, un trait (c’est un mot de génétique), un phénotype (une manifestation visible du génome), d’une maladie autosomique récessive. 

Et c’est là que la consanguinité intervient, et c’est seulement là d’ailleurs que la consanguinité intervient. Elle n’intervient pas dans les maladies chromosomiques, dans les anomalies de nombre ou de structure des chromosomes, elle n’intervient pas dans les maladies dominantes du génome, ou un seul allèle suffit à donner la maladie. Elle n’intervient que et exclusivement que dans un modèle autosomique récessif. 

Pour un enfant consanguin, le fait d’avoir deux parents qui ont un lien de parenté, est donc un risque un peu plus élevé de se voir être homozygote, c’est-à-dire d’avoir hérité d’un même allèle mutant,  originaire d’un seul ancêtre commun mais porté par les deux parents à la fois.

Quelques exemples de maladies autosomiques récessives ?

On connait des milliers de maladies qui obéissent à ce mode héréditaire. La plupart sont des maladies rares voire exceptionnelles. Elles peuvent se manifester sous la forme d'une maladie dégénérative, une déficience intellectuelle, une épilepsie, un trouble autistique, des maladies cardiovasculaires, rénales, osseuses. Le squelette, la taille est souvent impactée par des maladies autosomiques récessives. Il y a également des anomalies de la pigmentation de la peau, des yeux, de l’iris, qui sont aussi pour certaines, autosomiques récessives et peuvent alors coller avec la fiction et son scenario. La plupart sont des maladies multifactorielles où de nombreux gènes jouent un rôle ou des conditions d’environnement, de milieu, d’épigénétique.

Les plus communes des maladies autosomiques récessives dans le monde sont la drépanocytose qui touche les africains, et la mucoviscidose qui touche les populations d’Europe du nord.

Le coefficient de consanguinité, qu’est-ce que c’est ?

De tout temps l’homme avait conçu que les mariages dans la même fratrie, les mariages que l’on appellerait chez l’homme incestueux sont des mariages qui vont finir par enrichir un patrimoine génétique d’une espèce. C’est cela qui a permis à des généticiens, notamment français comme Gustave Malecot, de concevoir le coefficient de consanguinité qui est la mesure de la probabilité que dans notre génome, à un endroit donné, on ait ou on n’ait pas  2 allèles identiques par la descendance. 

Quand on dit que le coefficient de consanguinité est de 25%, ça veut dire qu’à chaque endroit du génome, la probabilité qu’on trouve deux allèles identiques par un ancêtre commun est de 25%.

Un chercheur de l’université d’Aberdeen a calculé le coefficient de consanguinité de Daenerys : il serait de 37,5 % ! Plus élevé que celui d'un record historique dans notre propre histoire : Charles II de Habsbourg, l’Ensorcelé, roi d’Espagne au XVIIe siècle, dont le coefficient de consanguinité était de 25 %. 

Partant de ce principe-là, soit par volonté, soit par rencontre et par histoire, des populations ou des familles se sont trouvées dans cette situation de vouloir enrichir ces caractères et par conséquent d’avoir tendance à se marier entre cousins, entre cousins issus de germains ou entre cousins germains, parfois même entre oncles et nièces, où alors d’y être conduit par l’histoire des populations, de leurs migrations, de leur pérégrinations qui vont parfois les isoler dans un endroit. Les familles régnantes d’Europe étaient des familles traditionnellement ou la consanguinité était une pratique là encore dans l’idée que les caractères de royauté, régaliens et de gouvernance pouvaient avoir une participation héréditaire et puis aussi une certains sureté de se marier entre soi car on sait mieux à qui on a à faire. 

Avec un certain prix, l’augmentation du risque de maladies autosomiques récessives dans ces grandes familles, grandes populations et petites populations insulaires.