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Patrimoine naturel : la démocratie participative en panne ?

La définition des règles de gestion d’un parc naturel s’inscrit dans une démarche de démocratie participative. À travers l’exemple de l’inscription du parc national de La Réunion au patrimoine mondial de l’Unesco, Igor Babou, professeur des universités et co-directeur de l’axe de recherche « Représentations et pratiques des sciences, de l’environnement et des savoirs contemporains » au sein du CERILAC, souligne les faiblesses et les limites de la participation citoyenne. 

« Plus souvent initiée par des acteurs institutionnels et politiques que par le public, la patrimonialisation d’un site naturel a quelque chose d’ambigu dès ses prémices vis-à-vis des citoyens », constate Igor Babou. Témoin des débats publics qui se sont déroulés au cœur du parc national de l’île de La Réunion, inscrit au patrimoine de l’Unesco en 2010, le chercheur dresse un constat critique du dispositif participatif : bien que les populations locales aient été informées et sollicitées par les agents du parc, la mise en patrimoine de leur habitat a été vécue comme imposée à distance par les puissances publiques.

« Face à des personnes peu scolarisées, parlant surtout le créole, les institutions n’adaptent ni leur langue ni leur lexique » a pu observer Igor Babou. La complexité et la lourdeur administrative du processus ne sont pas étrangères à cette expérience décevante. Mais pour le chercheur, le problème réside également dans la sous-représentation des sciences sociales au sein des contextes de patrimonialisation. 

L’importance du travail de terrain

De culture majoritairement scientifique (biologistes, géologues, ingénieurs, écologues…), les acteurs de la gestion et de la gouvernance des parcs naturels sont insuffisamment formés à la participation et à la compréhension des sociétés et des cultures. Néanmoins, les lignes bougent. Au sein des organisations internationales telles que l’Unesco, le thème de la participation est de plus en plus présent. « Cette tendance, qui percole peu à peu vers la gouvernance territoriale, est bienvenue. Mais elle comporte aussi un risque lié à la professionnalisation », alerte Igor Babou.

Car, comme il a pu le constater sur un autre terrain, en Argentine, l’impératif participatif dans le processus de patrimonialisation s’illustre parfois par la mobilisation de communicants qui appliquent des modèles et des méthodes « hors-sol », plus adaptés au temps du politique qu’à celui de l’anthropologue. « Sans travail de terrain, sans connaissance du contexte, les confrontations peuvent être très contre-productives et créer un repli démocratique plutôt que du lien social. »

 

Légende image : vue du cirque de Mafate, au cœur du Parc national de La Réunion

Laboratoire

Centre d'études et de recherches interdisciplinaires de l'UFR LAC (lettres, arts et cinéma)

Le Centre d’Études et de Recherches Interdisciplinaires de l’UFR Lettres, Arts, Cinéma (CERILAC, équipe d’accueil 4410) est né en 2007 de la fusion de cinq équipes d’accueil, réalisée sous l’égide de Francis Marmande.