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Médecine coloniale : un certain rapport au monde

L’héritage de la médecine coloniale continue d’influencer les sociétés africaines contemporaines dans leur rapport aux institutions de santé.

Des rumeurs de vampires venus prendre le sang des Africains, des médecins choisissant des personnes qui seraient désignées comme porteuses d’un virus… Les récits populaires racontent les « relations politiques d’exploitation entre l’Afrique et le Nord », pointe Guillaume Lachenal, historien des sciences au laboratoire SPHERE (UMR CNRS, université Paris Diderot et université Paris 1Panthéon Sorbonne). Elles se nourrissent notamment des scandales qui ont émaillé l’histoire de la médecine coloniale : une pratique autoritaire, militarisée de la médecine, qui a servi de pilier à la justification de la colonisation. Guillaume Lachenal a notamment exhumé l’histoire d’une injection imposée à près de dix millions de personnes, dans les années 1950 en Afrique centrale, contre la maladie du sommeil. Administrée dans des conditions sanitaires médiocres, l’injection s’est révélée dangereuse, voire mortelle, en provoquant des infections musculaires.

Est-ce la mémoire traumatique de tels événements qui pousse aujourd’hui les populations à ne pas confier leurs malades aux équipes de santé ? Impossible de le prouver, indique l’historien. Mais lors de l’épidémie d’Ebola, des soignants ont été caillassés dans certains villages. La méfiance des populations n’est « pas due à leur déficit de connaissance sur la maladie, mais à leur déficit de confiance face aux institutions », selon l’historien.

Un rapport ambivalent

En marge de cette méfiance, une autre mémoire coexiste. À la fin de l’époque coloniale, les autorités laissent derrière elles des infrastructures, notamment des hôpitaux, aujourd’hui en ruine, faute d’entretien. « Les gens gardent la nostalgie d’un système sans corruption et qui fonctionne », remarque Guillaume Lachenal, alors que la situation est dégradée aujourd’hui : personnels de santé qui émigrent, manque d’argent, difficultés dans l’accès aux soins…

Entre défiance et idéalisation, la relation des populations à la médecine raconte une certaine interprétation du monde et de ses rapports de force politiques, tels qu’ils ont été forgés à travers – et depuis – la colonisation. 

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Maître de conférences en histoire des sciences à Paris Diderot et chercheur au sein du laboratoire SPHERE, Guillaume Lachenal publie « Le médecin qui voulut être roi. Sur les traces d’une utopie coloniale » aux éditions Seuil.
Laboratoire

Laboratoire Sciences - Philosophie - Histoire

L’unité SPHERE (Sciences, Philosophie, Histoire) est née en 2009 de la réunion de deux UMR : le CHSPAM (Centre d’Histoire des Sciences et des Philosophies Arabes et Médiévales) et REHSEIS.