Une galerie des murmures dans une goutte d’eau
Les ondes acoustiques peuvent servir à contrôler, agiter et mélanger les fluides avec une extrême précision. Des chercheurs de l’Institut d’électronique, de microélectronique et de nanotechnologie, du laboratoire Matière et Systèmes Complexes et de l’Institut des nanosciences de Paris ont expliqué comment ces ondes pouvaient induire la formation de tourbillons à l’échelle d’une goutte d’eau. Ce mécanisme se rapproche du phénomène acoustique de la galerie des murmures. Ces travaux sont publiés dans Journal of Fluid Mechanics, où ils sont mis en avant par un Focus on Fluids.
Très prisée dans le domaine biomédical, la microfluidique consiste à manipuler de très faibles volumes de liquides. Si les mélanges restent une opération complexe à ces échelles, ils peuvent être réalisés à l’aide d’ondes acoustiques de surface. Ces ondes, d’une fréquence de l’ordre du mégahertz, transfèrent graduellement leur quantité de mouvement au fluide, qui s’agite alors avec une formation de microtourbillons. Des chercheurs de l’Institut d’électronique, de microélectronique et de nanotechnologie (IEMN, CNRS/Université Lille 1/ISEN Lille/Université Valenciennes/UVHC/École Centrale Lille), du laboratoire Matière et systèmes complexes (MSC, CNRS/Université Paris Diderot) et de l’Institut des nanosciences de Paris (INSP, CNRS/UPMC) ont mis en évidence des topologies particulières de tourbillons, issues d’un phénomène apparenté à une galerie des murmures. Dans cette curiosité architecturale, un son peut être perçu sur de longues distances en raison de sa focalisation le long de voûtes. Deux personnes peuvent ainsi discuter à voix basse de chaque côté de certaines coupoles.
Ici, des calculs numériques ont dévoilé la focalisation d’un groupe d’ondes qui se propagent sur des orbites périodiques le long de la surface de la goutte. Elles sont en effet entièrement réfléchies quand elles atteignent le bord intérieur de la goutte, soit l’interface entre l’air et le liquide, et sont guidées en boucles elliptiques. La forme de calotte sphérique de la goutte, façonnée par sa tension de surface, est à l’origine de cette concentration des ondes sur trois «caustiques», qui sont des sortes de lignes focales. Cette disposition très hétérogène du champ acoustique force l’écoulement interne à adopter une structure particulière, constituée d’une ou deux paires de tourbillons. Ce sont eux qui permettent un mélange efficace au sein de la goutte.