Remettre les humanités médicales au cœur de la médecine
Le programme USPC « La Personne en médecine » mise sur l’interdisciplinarité pour étudier les souffrances des patients, de leur entourage et des soignants. Avec en ligne de mire une médecine personnalisée, non pas seulement scientifiquement mais aussi dans les pratiques, les relations avec les patients et les prises de décision.
« La personne en médecine n’est pas la médecine personnalisée, expose François Villa, professeur de psychopathologie à l’université Paris Diderot, co-responsable du programme et chercheur au CRPMS. La médecine personnalisée est une nouvelle étape du devenir scientifique de la médecine. Elle ne doit pas occulter le problème persistant de la prise en considération de la subjectivité des patients et des familles, de leur souffrance la plus singulière, ni de l’implication affective des professionnels de santé. Notre programme, en reconnaissant l’apport de ces progrès scientifiques, entend mettre au cœur de sa réflexion et de ses recherches-actions un véritable enjeu sociétal : veiller à ce que la médecine renouvelle son alliance historique avec les humanités. »
Chercheurs, soignants et patients : tous acteurs
Le programme rassemble depuis 2014 environ 150 chercheurs issus d’une quinzaine de laboratoires. Un mot clé le caractérise : interdisciplinarité. « L’université Pais Diderot a toujours été pluridisciplinaire, rappelle Céline Lefève, philosophe, co-responsable du programme, chercheuse au sein du laboratoire SPHERE et directrice du Centre Georges Canguilhem. Notre initiative est donc née d’une collaboration ancienne entre médecine, psychanalyse et philosophie des sciences, avec le nouvel objectif de faire des sciences sociales et humaines, non pas seulement sur la médecine ou la santé, mais en collaboration avec la médecine et la santé. »
Il s’agit de promouvoir en particulier des recherches participatives dont les chercheurs en SHS, les soignants et les patients sont des acteurs à part entière. L’objectif ? Étudier les représentations ainsi que les valeurs individuelles et collectives sur la maladie et le soin.
Trois priorités de recherche
Trois axes de recherche ont été définis. Le premier, « Les modes de subjectivation des patients et de leur entourage : la maladie à vie », inclut notamment les études en psychopathologie d’Elise Ricadat et de Karl-Léo Schwering, en éthique de Valérie Gateau, ou en anthropologie de Sylvie Fainzang sur la gestion des risques médicamenteux par les patients.
L’axe 2, « Les transformations de la clinique et les nouveaux paradigmes du soin », se penche quant à lui sur les questions d’autonomie et de participation des patients aux décisions de soin. « Par exemple, un travail est conduit sous la responsabilité de Bernard Pachoud pour que les patients psychotiques ou schizophrènes, et souffrant de troubles mentaux en général, participent à l’invention de formes d’insertion ou de maintien dans la société », détaille François Villa.
L’axe 3 porte sur la définition même du champ des humanités médicales, de manière comparée entre la France et les pays anglo-saxons, et sur leur insertion toujours en cours dans les études de médecine et en soins infirmiers.
Ciné-club et collections de livres, pour prolonger le dialogue
Parallèlement, « La Personne en médecine » est à l’origine du ciné-club Barberousse : une fois par mois au cinéma Nouvel Odéon, à Paris, un film de fiction ou un documentaire sur l’expérience de la maladie et du soin est diffusé, puis se tient une discussion entre Jean-Michel Frodon, critique de cinéma, François Crémieux, directeur d’hôpital, Céline Lefève et les professionnels de santé, les patients et le grand public présents dans la salle. Enfin, pour valoriser ses recherches, le programme a contribué à la collection « Questions de soin », aux PUF, et créé la nouvelle collection, « La Personne en médecine », chez Doin. « Ces collections permettent de prolonger notre dialogue interdisciplinaire par une aventure éditoriale », conclut Céline Lefève.
Le décloisonnement des disciplines et l’implication d’un tel programme sur les pratiques de soin demandent de l’inscrire dans un temps long. Le projet est donc de le pérenniser dans la future Université de Paris, en renforçant le réseau de coopération international et en l’inscrivant dans le cadre des financements européens.