Infarctus : soigner le mal à la racine
Porteur du projet de Recherche Hospitalo-Universitaire (RHU) iVASC - pour Innovation in Atherothrombosis Science - le professeur Gabriel Steg, cardiologue à l'hôpital Bichat, a rassemblé des chercheurs, des universitaires, des médecins et des partenaires industriels de premier plan pour mener des recherches sur l'athérothrombose, processus qui sous-tend l'infarctus du myocarde et de nombreux accidents vasculaires cérébraux.
Une grande partie des maladies cardiovasculaires est due à l'obstruction d'artères (athérothrombose). Si le vaisseau qui se bouche irrigue le cœur, cela provoque un infarctus du myocarde ; s'il irrigue le cerveau, un accident vasculaire cérébral, avec une mortalité élevée et des séquelles souvent lourdes pour les survivants. Le projet iVASC a pour but de faire progresser la compréhension et le traitement de l’athérothrombose. Le professeur Nicoletti, responsable de l'une des équipes du RHU, précise. « Si l'on fait la somme des décès dus aux infarctus cardiaques et cérébraux, nous sommes face à la première cause de mortalité dans le monde. C’est un problème de santé publique majeur. »
Mais il existe aujourd’hui un décalage important entre la recherche en amont, qui essaie de comprendre quels sont les processus athérothrombotiques, et la recherche en aval et translationnelle, qui tente de trouver de nouveaux traitements.
Un plafond de verre à dépasser
Ces dernières décennies ont vu des progrès considérables dans le domaine de la pharmacologie et du traitement curatif de ces maladies cardiovasculaires. La prise en charge est multiple : elle fait intervenir des médicaments, très efficaces, mais aussi souvent la pose de stents ou des pontages chirurgicaux. Elle implique surtout un changement de mode de vie pour contrôler les facteurs de risque de la maladie, qui sont bien identifiés. Malgré tout, les progrès ralentissent.
Les pistes de recherche sur la genèse et la progression vers l’athérothrombose sont assez stéréotypées et ont beaucoup porté sur le traitement de l'hypertension artérielle ou d'une élévation du cholestérol, ou sur le diabète. De nouvelles voies doivent désormais être explorées. L'industrie pharmaceutique, l'un des moteurs de ces progrès, s'éloigne de ce domaine car les investissements qui doivent être consentis deviennent énormes pour des rendements parfois modestes. Le coût de réalisation des essais cliniques cardiovasculaires, qui doivent souvent impliquer des dizaines de milliers de malades, devient prohibitif.
Justement, le RHU iVASC propose de nouvelles pistes de recherche et de nouvelles modalités pour les études cliniques dans ce domaine.
Des facteurs de risque qui peuvent sembler anecdotiques, mais ne le sont pas
Le RHU iVASC a pris le parti de s'intéresser à des facteurs de risque qui, bien que très communs (jusqu'à 80 % des patients), sont restés relativement négligés. Il s'agit de facteurs de risque atypiques.
Le premier, c’est la maladie parodontale, une maladie inflammatoire de la bouche causée par une mauvaise hygiène buccodentaire. Il peut sembler curieux que la maladie parodontale puisse avoir un retentissement sur les artères. Or, de nombreuses données expérimentales et cliniques suggèrent une association mais le lien de cause à effet n’est pas établi. L'un des axes de ce RHU est précisément d'établir si un tel lien existe et par conséquent si une meilleure hygiène buccodentaire peut aider à lutter contre l’athérothrombose. « L’idée, c’est de sélectionner parmi nos patients ceux qui ont des problèmes parodontaux évidents. On réalisera alors une étude interventionnelle en proposant à ces patients d’être pris en charge pour leur maladie parodontale au CHU. Avec les outils d’imagerie que nous avons à disposition, nous allons analyser les territoires propices au développement de ces maladies, particulièrement les carotides, et définir un niveau de risque d’athérothrombose initial. Ensuite, nous pourrons évaluer l’évolution de la maladie chez les patients traités. Si la maladie progresse davantage chez les patients non traités pour leur parondite, alors nous aurons la preuve qu’une amélioration de l’hygiène buccodentaire peut réduire le risque d’athérotrombose. » explique le Pr Nicoletti. Le partenaire industriel du RHU iVASC sur cet aspect est Colgate Palmolive.
Un deuxième facteur de risque est à explorer : les troubles respiratoires du sommeil. Ils sont fréquents et caractérisés par des respirations anormales ou des pauses dans la respiration, et par une ventilation insuffisante pendant le sommeil. Outre la fatigue qu'ils provoquent, ils sont soupçonnés de participer à la genèse des accidents cardio et cérébrovasculaires. Pour le Pr Nicoletti « Ce facteur de risque, tout comme la maladie parodontale, ne va pas emmener directement à la mort du patient. Pour autant, cela peut être beaucoup plus grave qu’il n’y paraît et entrainer, sur le moyen terme, des conséquences mortelles. »
Avec l'aide du leader industriel français du diagnostic et du traitement de ces troubles, ResMed, ce facteur de risque va être exploré sur le plan clinique.
Par ailleurs, le RHU s’appuie également sur la cohorte Constances, une cohorte épidémiologique « généraliste » constituée d'un échantillon représentatif de 200 000 adultes âgés de 18 à 69 ans. Cet échantillon représentatif de la population est tenu de passer un examen de santé tous les 5 ans et de répondre à un questionnaire tous les ans. Récemment, Constances a accepté d’intégrer à ses bilans médicaux, un questionnaire axé autour des troubles du sommeil. L’analyse de ces questionnaires sera à même de dresser un état des lieux des troubles du sommeil dans la population française, une information qui fait actuellement cruellement défaut et qui est un préalable indispensable à toute intervention dans la population à risque cardiovasculaire.
Un registre inédit en France et de nouveaux outils diagnostiques
Pour progresser dans ce domaine, la recherche a besoin d'un très grand nombre de patients. Un axe majeur du RHU est d’établir un registre continu comprenant plusieurs milliers de patients ayant eu un infarctus du myocarde et suivis plusieurs années. Ce registre permettra de mener des études précises ciblées sur les facteurs de risque négligés, tout en étant connecté avec les bases de données de la sécurité sociale (SNIRAm) afin de suivre de façon globale le devenir des patients. Il s’agit donc d’exploiter des informations précieuses, déjà existantes, mais actuellement inaccessibles aux études cliniques. Ce type de registre connecté à la base SNIRAM, imaginé par le Pr Steg, est une première en France. Cela permettra de réaliser de multiples essais cliniques pour tester par exemple les nouveaux traitements à une fraction du coût des études actuelles. Et cela redonnera à la recherche cardiovasculaire française un avantage compétitif significatif. AstraZeneca est le partenaire industriel qui aide à la construction du registre.
Le réseau FACT, qui est un réseau de centres de soin national français des syndromes coronaires aigus précédemment établi par le porteur de projet, Gabriel Steg, sert également de base de travail pour sélectionner les patients qui participeront aux études interventionnelles du RHU.
Pour pouvoir in fine mener ce type de recherche, il faut pouvoir évaluer l'évolution de la maladie chez l'homme. L'un des axes du RHU iVASC est de développer des méthodes d'imagerie moléculaire afin d'identifier de façon très précise l'initiation et la progression des lésions d'athérothrombose dans les artères chez l'homme. Le partenaire industriel de cet axe est Advanced Accelerator Applications, une société radiopharmaceutique innovante qui développe et commercialise des produits dans le domaine de la médecine nucléaire moléculaire.